Des manifestations ont éclaté dans
les principales villes du pays le mercredi 12 décembre, suite à la
relaxe de treize personnes accusées d'appartenir à un réseau
d'exploitation sexuelle. Considérée corrompue, la décision des
juges vient sanctionner un procès historique, intenté par une mère
qui lutte depuis dix ans pour retrouver sa fille et dénoncer
l'esclavage sexuel en Argentine.
Les trois juges du tribunal pénal de
Tucuman ont acquitté mercredi 12 décembre les treize accusés de
l'affaire Marita Verón, jeune femme disparue depuis 10 ans. „Nous
savions que la décision rendue provoquerait des réactions mais les
preuves dont nous disposons sont insuffisantes pour qualifier les
faits de traite de personnes“, a confié l'un d'eux à la radio le
jour suivant. Quelques heures après le Jugement, des manifestations
s'organisaient devant les gouvernements de province des differentes
villes. Elles répondaient à un appel lancé par de nombreuses
organisations sociales, politiques et de défense des droits de
l'homme, pour dénoncer une Justice „clientéliste et
prostituante“. Si les manifestants se sont montrés discrets et peu
nombreux dans des villes comme Santa Fe, la situation est apparue
plus tendue à Tucuman et Buenos Aires, où des affrontements
violents ont eu lieu entre les manifestants et les forces de police.
À l'ouverture du procès en février
2012, cela faisait déjà près de dix ans que Susana Trimarco se
battait pour retrouver sa fille, Marita Verón, tombée dans les
griffes d'un réseau de prostitution de la ville de Tucuman. Enlevée
le 3 avril 2002 alors qu'elle se rendait chez le médecin, la jeune
femme était alors âgée de 23 ans et mère d'une petite fille de
trois ans. Selon le témoignage de plusieurs témoins, elle se serait
débatue dans la rue contre plusieurs hommes avant de monter dans une
voiture, laquelle est soupconnée d'appartenir à l'ex Président du
club de football de la ville. À l'époque, l'ancien gouverneur de la
province et la Justice auraient fermé les yeux, faisant traîner les
enquêtes et allant jusqu'à accuser le père de la victime, décédé
en 2011, d'avoir tué sa propre fille. Commence alors un long combat
pour Susana Trimarco, qui se lance à la recherche de son enfant,
découvrant au fil de son enquête, l'existence d'un gigantesque
réseau de prostitution.
Pendant le procès, de nombreuses
jeunes femmes ont été appelées à témoigner, victimes elles-aussi
du traffic d'êtres humains et soumises à la prostitution aux côtés
de Marita, dans les bordels de la province de la Rioja. Elles avouent
avoir vu Marita à plusieurs endroits du pays, „les cheveux teints
laissant apercevoir des points de suture, le dos lacéré de
blessures, portant des lentilles de contact et enceinte“. La
libération de ces différentes jeunes femmes a pu être permise
grâce à la fondation Maria de los Angeles, créee par Susana en
2007 et à travers laquelle environ 700 filles auraient déjà pu
être sauvées de l'enfer de la traite des blanches. Selon la
fondation, six millions de personnes seraient victimes chaque année
dans le monde, enlevées et vendues au profit d'un buisness estimé à
six milliards d'euros par an, à destination de pays tels que les
Etats-Unis, l'Allemagne ou la France.
Sur le banc des accusés, sept hommes
et six femmes, accusés d'intervenir aux différents échelons du
réseau. Parmi eux figurent des personnalités occupant des rangs
haut placés, issus des milieux policier, juridique et politique. „Je
suis ici pour sortir la poubelle, s'est exprimée Susana Trimarco
lors d'une conférence de presse, celle du mensonge et de la
corruption, afin que Tucuman fleurisse. Il faut en finir avec ces
gens qui pensent que toutes les femmes sont des putes!“ La
plaignante s'est dite outrée par la décision des juges. Elle a
cependant ajouté qu'elle ne „baisserait pas les bras, ni pour sa
fille ni pour toutes celles du pays“. Selon Susana, les Juges
auraient recu de l'argent en échange de prononcer la libération. La
Présidente argentine, Cristina Kirchner, a apporté son soutien à
la mère de la disparue, qualifiant la décision de corrompue, comme
le rapporte le journal pagina 12.
Bien que soldé par un échec, le
jugement Marita Verón pourrait avoir de lourdes conséquences sur le
paysage juridique argentin. Selon le procureur fédéral Marcelo
Colombo, l'affaire Trimarco a marqué une étape dans l'évolution
des droits de l'homme en Amérique latine. En effet, lors de la
disparition de Marita en 2002, le trafic d'êtres humains n'était
pas encore interdit par la loi. Celle-ci a été promulguée en 2008,
en partie grâce au combat de Susana. Cette „mère-courage“,
soutenue par la Présidente argentine et la Cour Européenne des
Droits de l'Homme, a réussi à sensibiliser les médias sur
l'exploitation sexuelle au niveau mondial. Sa lutte lui a valu une
nomination au prix nobel de la paix et la remise de l'“international
women of courage award“ par les Etats-Unis.
En sortant du tribunal, pas une larme
n'a coulé sur les joues de Susana. „Je ne m'arrêterai que lorsque
j'aurai retrouver ma fille, vivante ou morte“, a-t'elle confié aux
journalistes. Ses avocats ont indiqué leur intention de présenter
une demande de jugement politique à l'encontre des magistrats
chargés du dossier
article publié sur journal international
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire