L'Académie des Arts et des Sciences
Cinématographiques d’Argentine a rendu son verdict le 28 septembre
dernier. Le film de Benjamin Ávila participera à la compétition en vue
de la nomination du meilleur film étranger en février 2013. Actuellement
projeté dans les salles, Enfance clandestine raconte la vie quotidienne
d'une famille de guérilleros pendant la dictature militaire. Un sujet
sensible et parfois violent, évoqué à travers le regard d'un enfant.
Tous les ingrédients pour ne pas laisser le spectateur indifférent.
Selon le réalisateur, ce film est dédicacé à tous ceux qui ont subi de
près ou de loin la répression militaire des années 80.
Ernesto est un jeune adolescent de 12 ans. Il vit avec ses parents
et sa petite sœur, va au collège, où il retrouve chaque jour Maria, une
fille de son âge dont il est très amoureux. Aux yeux de tous, le jeune
argentin semble mener une vie normale. Il a pourtant cette lueur grave
et triste au fond des yeux, qu'ont les enfants qui ont grandi trop vite.
Car Ernesto cache en réalité un terrible secret. Son vrai nom est Juan,
ses parents sont membres des Montoneros, un groupe de guérilleros
luttant contre le gouvernement. Ils sont revenus en Argentine grâce à
l'aide de l'oncle Beto après avoir vécu un long exil à Cuba. On est en
1979 et alors que la dictature militaire multiplie les actes de
répression, les Montoneros s'apprêtent à lancer une opération de
contre-offensive. Dans la famille de Juan, on manie les armes, les
membres de la famille viennent rendre visite les yeux bandés et les amis
sont invités à des anniversaires inventés. C'est l'histoire d'une lutte
armée entre deux idéologies politiques. C'est aussi celle d'une famille
militante et clandestine unie, constamment tiraillée entre la peur et
la passion et celle d'un enfant qui prend conscience de la dure réalité
de sa vie.
Présenté au Festival de Cannes, le film a remporté 7 prix dont la caméra d'Or. Selon le journal Clarin,
il occupait fin septembre la huitième place au box-office des films en
Argentine et a déjà été projeté dans les salles d'une vingtaine de pays.
Bien accueilli par la presse et le public, le film inclut la
participation d'acteurs internationaux déjà connus du cinéma: Natalia
Oreiro et César Troncoso, deux uruguayens incarnant le père et la mère
de Juan ainsi que Ernesto Alterio, acteur d'origine argentine installé
en Espagne et interprétant le rôle de l'oncle Beto. Une partie de la
musique a été composée et jouée par le groupe de rock argentin Los
Divididos.
Basé sur l'enfance personnelle du réalisateur Benjamin Ávila, dont
la mère affiliée aux Montoneros a été assassinée par les militaires, le
film donne une image complexe de la dictature, dévoilant un autre
visage des militants terroristes. Il adopte le point de vue de l'enfant
pour qui les moments en famille apparaissent idéalisés et les scènes
violentes défilent comme les images d'un manga. Le spectateur souffre
devant ce film, blâmant parfois les parents, s'identifiant aux
personnages, riant, pleurant et se demandant finalement ce qu'il aurait
fait, confronté à une telle situation. En course pour la cérémonie des
Oscars, Enfance clandestine affrontera en février 2013, d'autres films étrangers tels que Les intouchables. Sa sélection le joindrait aux deux films argentins ayant déjà gagné un oscar : La historia oficial en 1986 et El secreto de sus ojos en 2010.
Au pouvoir de 1976 à 1983, la dictature militaire apparait comme
la période la plus noire de l'histoire politique de l'Argentine. Après
avoir renversé le gouvernement péroniste par un coup d'État orchestré en
mars 1976, la junte militaire prend les commandes du pays en alliant
libéralisme économique et autoritarisme politique. Sur fond de crise
financière, le pays subit une série d'atteintes aux droits de l'homme :
censure de la presse, répression de l'opposition, enlèvements et torture
des militants. Selon le politologue Hugo Quiroga, 30 000 personnes
auraient été portées disparues. Comme l'évoque le film Enfance clandestine,
les militaires avaient coutume de supprimer les opposants politiques et
kidnapper leurs enfants afin de les donner en adoption aux femmes des
militaires.
manifestation des madres de plaza de mayo |
Parmi les victimes, figurent les deux sœurs catholiques Léonie
Duquet et Alice Domon, deux françaises engagées en 1977 auprès de
l'association Les Mères de la place de Mai. Enlevées et séquestrées,
elles furent jetées dans l'océan. Il a fallu attendre 2005 pour qu'une
enquête inscrite au procès des militaires responsables permette de les
identifier.
article publié sur journal international
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