vendredi 2 mai 2014

Le jugement de Pinar Selek, à nouveau reporté

"Ils ont voulu me condamner pour l’exemple". Accusée d’avoir fomenté un attentat meurtrier le 9 juillet 1998 dans le marché aux épices d’Istanbul, Pinar Selek a été acquittée à trois reprises. A chaque fois, la Cour de cassation a invalidé le verdict. Un tribunal d'Istanbul l'a rejugée en 2012 et condamnée à la prison à vie le 23 janvier 2013. La sociologue a obtenu l'asile politique en France et vit aujourd’hui à Strasbourg. Elle dénonce une machination politique et a fait appel du jugement. Le procès s'est tenu ce jour à Ankara. La condamnée a suivi l'audience depuis Strasbourg. Nous sommes allés à sa rencontre.
 
"Justice pour Pinar Selek" peut-on lire sur des banderoles accrochées aux murs. L’Association de solidarité aux travailleurs turcs a mis ses locaux à disposition pour accueillir la sociologue et les personnes venues la soutenir. Dans une petite salle au premier étage, une vingtaine de proches ont pris place autour d’une table. Sur celle-ci ont été déposés quelques pâtisseries turques et du thé. Les yeux restent rivés sur l’écran de télévision et les ordinateurs. On suit  le procès via les réseaux sociaux. Il a commencé à dix heures ce matin au tribunal d’Ankara. L’audience suspendue vers midi doit reprendre avec la plaidoirie de son père, l’un des avocats chargés de la défendre. Debout vers l’entrée, la jeune femme turque accueille ses amis et répond aux questions des journalistes. Un foulard vert jeté sur les épaules, elle semble sereine, le visage souriant. Cela fait pourtant seize ans qu’elle vit dans l’attente d’être reconnue innocente. "Un film digne des séries policières dont la fin reste encore incertaine" comme elle  le décrit elle-même.

Lorsque l’explosion de gaz se produit sur le marché d’Istanbul en 1998, les autorités avancent immédiatement la thèse de l'attentat et l'accusent de l'avoir commis. On lui reproche d’entretenir des relations avec des membres du PKK, un groupe de rebelles kurdes considérés comme terroristes par le gouvernement. Sa faute principale a été, selon lui, de ne pas les dénoncer. Pinar Selek s’est en effet rapprochée d'eux pour les besoins de sa thèse sur la diaspora kurde.  Au cours de ses procès, elle est acquittée à trois reprises mais le procureur de la République relance inlassablement la procédure, poussant la jeune militante à fuir à l’étranger : d’abord à Berlin puis à Strasbourg où elle poursuit ses études.

En janvier 2013, la Cour pénale d’Istanbul la condamne à perpétuité ; elle fait appel. Le procès de ce 30 avril est la dernière carte jouée par ses avocats pour venir à bout de la procédure judiciaire. En France, des médias comme Le Courrier International ou Mediapart soutiennent son acquittement. "Je continue de me battre pour rentrer chez moi, explique Pinar. Je sais que c’est encore un long chemin et qu’il ne faut pas abandonner." A 14 heures le verdict tombe, les visages se ferment : le jugement est reporté au 11 juin. Il repousse avec lui l’espoir de pouvoir rentrer en Turquie.

Article rédigé par Marion Roussey pour Arte

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire