De nombreux terrains ne cessent
d'être vendus dans le sud de l'Argentine au profit d'entreprises
internationales ou de propriétaires terriens locaux. Ce marché
florissant donne lieu à de vives contestations de la part de la
communauté mapuche, qui accuse l'Etat argentin de lui dérober ses
terres.
Rosa est membre d'une des communautés
mapuches. Elle vit avec sa famille dans un lof (groupe de maisons
appartenant à la communauté), situé en retrait à quelques
kilomètres de Villa la Angustura dans la province de Neuquen. Elle
explique dans quelles conditions elle et sa famille vivent. „Le
gouvernement provincial nous tolère car il n'a pas d'autres choix,
explique-t-elle. Depuis que nous nous sommes montés en association,
nous avons à nos côtés un avocat et de nombreuses orgarnisations
internationales qui nous soutiennent. Mais les promoteurs immobiliers
nous guettent et la commune fait pression pour que nous partions.
Jusqu'à l'année dernière nous n'avions pas l'éléctricité et on
continue toujours à aller puiser l'eau dans la rivière, faute
d'installations. Nous ne souhaitons pas moderniser notre niveau de
vie mais seulement faire reconnaitre nos droits.“ Rosa tend sa
main en direction de maisons récemment construites. „Ces
terrains que vous voyez étaient les nôtres avant!“
Les relations conflictuelles entre les
mapuches et l'Etat argentin ne sont pas nouvelles. Elles remontent à
l'arrivée des espagnols et la politique d'extermination entreprise
par le Président Roca pendant la „conquête du désert“.
Aujourd'hui la culture des peuples natifs est protégée au niveau
institutionnel et la proprieté communautaire indigène est reconnue
par la Constitution. Toutefois comme le souligne le rapporteur de
l'ONU, James Anaya, ces droits ne sont pas suffisamment respectés.
Lors d'une visite en Argentine en novembre 2012, il a interpellé
l'Etat sur „l'absence de priorité donnée aux droits de l'homme“.
Les couleurs oubliées de
Benetton
En 1997 l'entreprise de textiles
italienne Benetton a racheté d'énormes territoires en Patagonie à
la compagnie anglaise Terres du Sud pour un prix estimé à 50
millions de dollars. Ces terres étaient jusqu'à présent occupées
par la communauté mapuche. Selon celle-ci, l'entreprise n'aurait pas
respecté la procédure légale d'investissement dans les pays en
voie de développement, imposée par le code de conduite européenne.
Des poursuites ont été engagées.
Expulsées et privées d'accès à
l'eau, beaucoup de familles ont du migrer vers la ville. Elles sont
souvent confrontées au chômage et à la discrimination raciale.
Aujourd'hui considéré comme le plus grand propriétaire terrien
d'Argentine, le groupe industriel a clôturé ses champs où paissent
désormais des milliards de moutons. Pointé du doigt par les
communautés mapuches qui lui imputent les mesures d'expropriation,
Benetton a répondu en 2000 par l'inauguration dans la commune de
Leleque d'un „musée d'histoire régionale“. Pour les habitants
de la province, l'initiative n'a fait qu'aggraver le conflit. „Ce
musée est un non-sens, s'indigne Julio, un mapuche qui travaille
aujourd'hui comme guide de montagne dans la ville El Bolson. Le musée
relate la culture et la manière de vivre mapuche en exposant des
objets qui ne lui appartiennent pas, généreusement offerts par de
riches donateurs!“
Au Chili, les tensions
s'intensifient
Le 4 janvier dernier, la presse
chilienne rapportait le meurtre de deux personnes, assasinées par un
groupe de mapuches. Les hommes, cagoulés et armés, se seraient
introduits dans la demeure d'un couple d'origine suisse, propriétaire
de terrains revendiqués par la communauté. La date de l'incident
n'a pas été choisie au hasard. Elle coincide avec la mort de
l'étudiant mapuche Matias Catrileo, abbatu cinq ans plus tôt par
des hommes étroitement liés aux époux défunts. Un règlement de
compte qui en dit long sur les tensions sous-jacentes. Le Président
chilien Pinera a immédiatement ordonné un renforcement de la police
sur le territoire, annoncant le début d'une lutte menée contre „une
minorité de délinquants terroristes et violents.“
Environ 150 000 mapuches vivent en
Argentine. Au Chili ils sont plus de 900 000. Depuis 1990, les
conflits se multiplient et le phénomène prend de l'ampleur, tant au
niveau politique que social. Il révèle l'équilibre fragile et la
relation délicate unissant les pays d'Amérique latine aux peuples
originaires. Selon Rolando Hanglin, journaliste pour la nacion,
le conflit mapuche en Argentine et au Chili doit être abordé avec
une extrême précaution, reflet des violences passées pour éviter
une nouvelle guerre ethnique.
article rédigé par MArion Roussey et publié sur Le Journal International
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