mercredi 27 mars 2013

La Patagonie, cette Terre où l'Homme se sent si petit


Il existe une infinité de raisons d'entreprendre un voyage. Qu'il soit décidé sur un coup de tête ou préparé longtemps à l'avance, il laisse en nous une trace indélébile, un souvenir que l'on croit enfoui et rapidement avalé par le retour à la vie quotidienne, mais qui ressurgit parfois de manière imprévue, tel un feu que l'on croyait éteint et qui se ranime au son d'une musique, au détour d'une conversation ou au contact d'un parfum, d'une image ou d'une sensation indescriptible de déjà-vécu.


Celui qui voyage ne recherche pas seulement la découverte de paysages insolites et la rencontre de personnes fascinantes. C'est aussi un peu de soi-même que l'on vient chercher, quelques réponses éloignées de celles que l'on croit déjà posséder, sentir l'adrénaline monter à l'idée de se perdre un peu plus en espérant mieux pouvoir se retrouver ensuite.

De Buenos Aires, cap vers le sud

Les portes du métro se referment. Il me conduit jusqu'à la station de train, l'une des dernières encore en fonction et qui rappelle l'importante expansion des chemins de fer qu'avait connue l'Argentine du 19ème siècle. Dans le wagon, les passagers cherchent leur place et s'installent sur des banquettes dont le confort rudimentaire rappelle celui des trains russes. Tandis que des vendeurs ambulants défilent et proposent toutes sortes de gadgets, on voit par la vitre défiler les dernières images de la capitale, celles des banlieues qui s'étirent sur des kilomètres et se retouvent peu à peu plongées dans l'effervescence de la nuit. J'éprouve un attachement particulier pour Buenos Aires, attirée sans doute par son côté vivant, moderne et cosmopolite.

Le voyage n'a pas encore commencé qu'il a déjà fallu dire au revoir à de nouveaux amis, Porteños qui m'ont ouvert leurs portes et que l'on n'est pas sûr de revoir un jour. La vie apparaît d'une certaine manière comparable à un train : à chaque arrêt des personnes montent et d'autres descendent. Elles partagent avec nous un bout du chemin. Il arrive que durant plusieurs stations on se retrouve à vivre seul, avant de voir monter une ancienne connaissance ou une personne nouvelle. Où et quand se situe le terminus sont des questions qui n'ont pas de réponses.  

Je peux vous déposer quelque part ?

Arrivée à Bahia Blanca, c'est l'aventure qui commence. Située au bord de l'océan Atlantique à 630 km au sud de Buenos Aires, la ville constitue le point de passage de nombreux voyageurs qui se rendent vers le sud. On se rapproche de la Patagonie, cette terre hostile et désertique dont je ne connais que le nom et que j'associe aux images touristiques de la terre de feu, du glacier Fitz Roy et d'Ushuaia.

Au nord-ouest apparaît pourtant un paysage à part, constitué de montagnes, de lacs et de parcs naturels. La région de Bariloche est l'une des destinations les plus convoitées des randonneurs argentins. Imitant les autres auto-stoppeurs, je me positionne au bord de la route, le pouce en l'air et un sourire bon-enfant accroché aux lèvres. Si en Europe, faire du stop semble difficile voire infaisable par les temps qui courent, l'expérience est encore bien pratiquée en Argentine. En moins d'une heure, un camion s'arrête. Il se rend jusqu'à San Martin de los Andes et propose de m'y conduire, me faisant traverser le pays dans la largeur, soit 1 000 kilomètres parcourus en une nuit. Un trajet effectué d'une traite que le conducteur reproduit six fois par semaine. Je découvre alors la dure vie des routiers ! Celui qui m'emmène a fait de son camion sa maison. Éloigné de sa famille, il connaît les routes argentines dans les moindres détails et me révèle au détour d'un virage ou d'une croix fleurie les tristes secrets que renferme la route. Les paysages nocturnes défilent et je commence déjà à voir un autre visage de l'Argentine. 

La route des sept lacs, les montagnes de Bariloche et le parc naturel de los Alerces

Le parcours est bien connu de nombreux Argentins qui se donnent rendez-vous chaque été dans la région de San Carlos de Bariloche. De San Martin de los Andes dans la province de Neuquen à Esquel dans la province du Chubut, s'étendent lacs scintillants, forêts de sapins et montagnes enneigées. Un décor exotique pour les Argentins et moins fréquenté par les Européens, sans doute à cause de ses allures familières de Suisse montagnarde. Chaque ville possède sa propre atmosphère, des magasins de location de ski à San Martin de los Andes, aux discothèques branchées de Bariloche, en passant par les regroupements hippies de la ville el Bolson et le marché artisanal de Villa la Angustura.

Entre chacune d'elles, la nature reprend le dessus et le voyageur se perd, oubliant la notion du temps et de l'espace. Utiliser le feu pour cuisiner, boire l'eau des cascades, fabriquer son propre pain et observer la forme des nuages en guise de météo deviennent des réflexes de la vie quotidienne. Lorsqu'après avoir gouté au camping sauvage du parc naturel Los Alerces, on reprend le chemin de la ville, on se sent perdu, comme ébloui par les lumières artificielles de la civilisation. 
article publié sur le Journal International

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