mercredi 27 mars 2013

Les "bébés volés" de la dictature, toujours en quête d'identité


30 ans après la fin de la dictature argentine, de nombreuses personnes demeurent encore portées disparues. L'association „les grands-mères de la plaza de mayo“ se bat pour retrouver les petits enfants, enlevés par le gouvernement militaire des bras des opposants politiques et illégalement adoptés par les responsables au pouvoir. À Buenos Aires, le Journal International est allé à la rencontre de Rosa de Rosinblit, vice Présidente de l'association. Elle nous fait part de son combat pour retrouver son petit fils. 

 

À 93 ans, Rosa de Roisinblit a conservé une mémoire inaltérable. Elle nous recoit au siège de l'association et après avoir passé quelques coups de fil administratifs, la militante politique reprend son visage de mère pour nous faire part de son histoire. La disparition en 1977 de sa fille Patricia alors enceinte de 8 mois, a changé sa vie, transformant la citoyenne pacifiste qu'elle était en fervante militante des droits de l'homme. Aujourd'hui si sa fille demeure portée disparue, les recherches menées par le biais de l'association ont permis à Rosa de retrouver son petit-fils Guillermo. Né dans l'ESMA, une école ayant appartenu à l'armée et convertie pendant la dictature en centre de détention, il a été enlevé et placé dans une famille d'adoption sans jamais connaitre sa véritable identité.

„Ma fille et son mari ont été arretés parce qu'ils appartenaient à un groupe de lutte armé et clandestin, explique Rosa. J'étais consciente du danger que cela représentait mais je respectais leurs choix. Or après le coup d'Etat de 1976, la situation s'est envenimée et les mesures de repression se sont multipliées. Lorsque Patricia a été enlevée, je pensais que sa sequestration serait provisoire et qu'elle reviendrait donner naissance à son bébé. Le temps a passé et je suis restée sans nouvelle. J'ai alors commencé les recherches. Je me suis d'abord tournée vers la Justice ce qui était inconscient et dangereux de ma part. Puis je me suis rendue à l'Assemblée Générale pour les Droits de l'homme à Buenos Aires et me suis retrouvée face à des dizaines de mères dans la même situation que moi. C'est ainsi que l'association s'est peu à peu formée. Deux personnes ont joué un rôle majeur dans son expansion: l'avocat Alfredo Galenti, dont la fille était aussi portée disparue et le diplomate américain Tex Harris qui a contribué à faire connaitre nos revendications sur la scène internationale.“

Depuis la création de l'association en 1978, 108 enfants ont ainsi pu retrouver leurs origines. 400 vivent encore sans connaitre la leur, dispersés en Argentine mais aussi en Europe, dans des pays comme l'Espagne ou l'Italie. En tant qu'ONG inscrite pour la défense des droits de l'homme, les grands-mères de la plaza de Mayo représentent aujourd'hui un pouvoir politique considérable. Soutenues par des organisations mondiales telles que la CEDH, l'ONU ou la CADH, elles tendent à se rapprocher de l'actuel gouvernement Kirchner, mesure pas toujours bien percue par les argentins. Parmi ceux que nous avons interrogés, un grand nombre considère en effet que l'association joue de son pouvoir médiatique pour intrevenir dans des domaines qui ne la concernent pas, tels que la réélection de la Présidente ou la loi sur l'audiovisuel.

„Beaucoup de gens confondent notre association avec celle des mères de plaza de mayo, analyse Rosa. Nos objectifs semblent identiques à la différence qu'elles réclament le retour de leurs fils et non de leurs petits-fils. Elles se montrent donc plus obstinées, se réunissant tous les jeudis devant la Casa Rosada pour manifester. Pour ma part, je suis devenue plus réaliste. Mon petit-fils m'a été rendu mais je sais que ma fille ne reviendra pas. Or je lutte à présent pour retrouver les petits-enfants des autres, pour que Justice soit faite. Si je soutiens ouvertement Cristina, c'est parce que les Kirchner ont su nous apporter un soutien plus actif que les précédents.“

article publié sur le Journal International

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